Karthala
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La question sociale a effectué un retour en force au Maroc, dans les années 2000. Les acteurs ont eu tendance à l'exprimer en termes de revendications, que justifiaient les défaillances de l'État, et les chercheurs à la problématiser dans les canons de la sociologie de la mobilisation ou des politiques publiques. Mais la prise en compte de la pluralité des acteurs et de la diversité des dispositifs offre la possibilité d'une autre lecture qui remodèle les formes mêmes du social. Administrer des espaces, des catégories, des temporalités, des imaginaires ou des conflits revient à définir les liens sociaux, à façonner les appartenances, à faire jouer des médiations, à qualifier l'ordre établi.
Du port de Casablanca aux maisons de jeunes de quartiers populaires, des transports urbains au système de subvention de la farine et du pain, du courtage de l'emploi domestique à la patrimonialisation d'une région marginalisée, de la gestion des terres collectives à l'aide aux mères célibataires, cet ouvrage démontre l'importance du gouvernement indirect du social, dont l'équivoque facilite compromis et bricolages et renforce la capacité d'adaptation du politique aux transformations de l'époque.
S'inscrivant dans la continuité de deux titres précédents de la collection « Recherches internationales », consacrés à la privatisation des États à l'âge néolibéral et à l'État d'injustice au Maghreb, ces recherches inédites ouvrent de nouvelles perspectives à la sociologie historique du politique, bien au-delà du seul cas du Maroc.
L'ouvrage a été préparé dans le cadre d'un séminaire de recherche du CRESC (Rabat, Faculté de gouvernance, sciences économiques et sociales, Université Mohamed VI Polytechnique), de 2012 à 2015, par une équipe de jeunes chercheurs - Ahmed Bendella, Yasmine Berriane, Leila Bouasria, Irene Capelli, Redouane Garfaoui, Nadia Hachimi Alaoui, Badiha Nahhass, Valentine Schehl -, sous la direction de Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS (SciencesPo-CERI) et d'Irene Bono, maître de conférences à l'Université de Turin (Département Cultures, Politique, Société).
Cet ouvrage a été publié avec le concours du CRESC. -
Gouvernement transnational en Afghanistan ; une si prévisible défaite
Gilles Dorronsoro
- Karthala
- 4 Février 2021
- 9782811128142
La défaite des Taliban dans le sillage des attentats du 11 septembre ouvre deux décennies d'investissement occidental en Afghanistan. Des centaines de milliards, pour l'essentiel consacrés à l'entretien des forces occidentales, des dizaines de milliers de morts, dont plusieurs milliers de la coalition, montrent l'importance de ce conflit pour les Etats-Unis qui en font le symbole de leur hégémonie mondiale.
Mais, derrière les discours sur la construction d'une « démocratie de marché », se profile un gouvernement transnational qui contourne les acteurs afghans au point d'interdire tout processus démocratique, couvre des fraudes électorales massives, routinise la captation des ressources au profit des entreprises occidentales et des élites afghanes. Les tensions communautaires et sociales s'accroissent à un point jusque-là inconnu dans la société afghane. Les Taliban, capitalisant sur le ressentiment populaire contre les élites au pouvoir, mettent en échec une alliance occidentale qui dissimule, derrière une augmentation des moyens, son incapacité à définir une stratégie cohérente. Après vingt ans de conflit, al-Qaïda est toujours présent en Afghanistan, et le retrait américain ne fait qu'ouvrir une nouvelle période d'une guerre civile vieille de quarante ans.
Ce nouvel essai de Gilles Dorronsoro propose une analyse critique impitoyable des impasses de l'expertise orientaliste et sécurocrate dont la portée comparative, bien au-delà du seul cas afghan, est d'une haute actualité. -
Le prix de l'engagement politique dans la Tunisie autoritaire ; gauchistes et islamistes sous Bourguiba et Ben Ali (1957-2011)
Michaël Ayari
- Karthala
- 19 Janvier 2017
- 9782811117603
Cet ouvrage permet de découvrir l'histoire des militants d'extrême gauche et islamistes tunisiens et leur combat politique de jeunesse notamment sur les campus universitaires. Il offre des clés de lecture historiques et sociologiques essentielles pour décrypter trajectoires et stratégies de cette génération, dont une bonne partie a accédé à des positions de premier plan depuis le départ de Ben Ali en 2011.
À partir de l'analyse des données biographiques de 250 activistes « gauchistes » et « islamistes », l'auteur montre quels sont les ressorts et les motivations de l'engagement politique dans un régime où le risque encouru s'avère en général plus important qu'en régime dit « démocratique ».
L'apport majeur de ce travail demeure la notion d' « origines socio-identitaires » (élite médinale, médinale, publicienne et extra-muros) qui permet de comprendre les logiques d'intérêts sous-tendant les conflits politiques au-delà des oppositions habituelles entre « classes sociales » ou « courants idéologiques » et de penser la diversité des destinées individuelles, notamment professionnelles, de manière plus complexe qu'uniquement à travers la notion d' « origine sociale ».
Ainsi, cet ouvrage montre en quoi les tensions sociales et politiques, qui jalonnent l'histoire de la Tunisie et qui sont toujours d'actualité en 2017, sont le reflet d'une lutte entre élites séparées par l'origine sociale et géographique, la maîtrise du bilinguisme des membres de leur parentèle et les traumatismes politiques et familiaux transmis durant l'enfance.
Au-delà de sa contribution à la sociologie dumilitantisme et des élites, l'auteurmet en évidence la fracture socio-identitaire qui trace les limites de la citoyenneté dans la Tunisie d'aujourd'hui et donne surtout des clés pour défier la persistance des mécanismes de répartition du pouvoir dans une Tunisie où l'exigence d'inclusion et de justice demeurent des ressorts puissants de contestation et de violence. -
élections et territoires en Tunisie ; enseignements des scrutins post-revolution (2011-2014)
Alia Gana, Gilles Hamme
- Karthala
- 7 Avril 2016
- 9782811116569
Pionnière des « soulèvements arabes », la Tunisie est aujourd'hui le seul pays à poursuivre l'« expérience de démocratisation politique » entamée suite à la « révolution » de l'hiver 2010-2011. Les élections libres et concurrentielles de 2011 et de 2014 constituent un fait marquant de ce processus de changement.
Proposant une lecture inédite de ces élections, de leurs enjeux et de leurs résultats, les auteurs de ce livre poursuivent une double ambition : proposer un ouvrage de référence sur les scrutins post-révolution et présenter une analyse des dynamiques sociales et politiques de la Tunisie contemporaine.
L'originalité des analyses développées dans cet ouvrage est qu'elles mobilisent une approche interdisciplinaire, combinant, sociologie, géographie et science politique, et qu'elles s'appuient sur un riche matériau empirique permettant de contextualiser les comportements électoraux et cernant les clivages politiques et les fractures socio-territoriales au sein de la société tunisienne.
Un autre apport important de cet ouvrage est de montrer qu'en faisant émerger la figure de l'électeur, les transformations politico-institutionnelles ouvertes par les « soulèvements arabes » suscitent non seulement un regain d'intérêt pour l'analyse des comportements électoraux, mais contribuent aussi à renouveler les questionnements et les analyses relatives aux processus électoraux dans les pays de la région.
Alia Gana est sociologue, directrice de recherche au CNRS en affectation à l'IRMC, Tunis (USR 3077) et membre du LabEx DynamiTe.
Gilles Van Hamme est professeur de géographie politique et économique à l'Université Libre de Bruxelles.
Ont contribué à cet ouvrage : Néji ARGOUBI, Asma BAKLOUTI, Aymen BELHADJ, Maher BEN REBAH, Irène CARPENTIER, Alia GANA, Samiha HAMDI, Déborah PEREZ, Fathi REKIK, Gilles VAN HAMME,
Sami Yassine TURKI. -
Gouverner la mer en Algérie ; politique en eaux troubles
Tarik Dahou
- Karthala
- 10 Septembre 2018
- 9782811125394
La politique maritime en Algérie s'inscrit dans un faisceau de normes internationales, nationales et locales. Leur confrontation résulte des logiques de pouvoir qui déterminent l'accès aux espaces et aux ressources marines. En analysant l'évolution de ces droits d'accès sur le littoral du Parc national d'El Kala (Wilaya d'El Tarf), cet ouvrage restitue les hiérarchies sociales et politiques.
L'examen de la contrebande du corail et de la pêche révèle diverses historicités qui façonnent les politiques de conservation marine. Il éclaire la manière dont les acteurs maritimes et les corps de l'État s'approprient les normes libérales et environnementales et font évoluer les frontières entre gouvernement terrestre et maritime, entre public et privé, et enfin entre légal et illégal. L'analyse multiscalaire rend compte d'un gouvernement de la mer, qui évolue au gré des flux de ressources et de pouvoir, mais aussi des transactions quotidiennes entre État et société.
Cette démarche dévoile à quel point l'exercice du pouvoir politique en Algérie est tributaire de réseaux instables, transversaux aux normes, aux institutions, et aux espaces, qui atténuent sa cohérence. Malgré le caractère prétorien et l'assise pétrolière du régime, l'inscription de son autorité jusque dans les sphères micro-sociales perturbe sa légitimité. -
L'Etat d'injustice au Maghreb ; Maroc et Tunisie
Béatrice HIBOU, Irene Bono, Hamza Meddeb, Mohamed Tozy
- Karthala
- 26 Octobre 2015
- 9782811115180
Les « Printemps arabes » ont reposé avec force la question de l'injustice sociale dans cette partie du monde. Mais l'étude serrée des situations du Maroc et de la Tunisie relativise la pertinence de l'événement comme aune d'analyse. Les mouvements contestataires l'ont souvent précédé et n'en ont pas toujours procédé. Par ailleurs, les péripéties des années 2011-2014 ont redéfini la question de l'injustice sociale à travers le rapport des partis ou des organisations islamiques à l'État, à la nation, au néolibéralisme, à l'exercice du pouvoir. Il convient de remonter en amont des Printemps arabes pour comprendre les politiques publiques d'inclusion des pauvres, la mise à distance de territoires stigmatisés, la construction idéologique de vrais (ou faux) problèmes, tels que la « jeunesse », l'« employabilité » de la main-d'oeuvre ou les « rentes » économiques. En définitive, c'est le processus même de formation de l'État qui se voit requalifié comme une matrice d'inégalité légitime, en permanente mutation au gré des rapports de force et des luttes sociales.
Fruit d'une réflexion collective et d'un travail de terrain au long cours, cet ouvrage permet de repenser le politique en dehors de la logorrhée exaltant (ou disqualifiant) les Printemps arabes. Il replace ces derniers dans leur profondeur historique. À la confluence de la sociologie politique et de l'anthropologie, il ouvre de nombreuses pistes comparatives au-delà du seul Maghreb. -
Vers la fin du contrat social en Syrie ; associations de bienfaisance et redéploiement de l'état (2000-2011)
Laura Ruiz de Elvira
- Karthala
- 26 Juillet 2019
- 9782811126599
Depuis le déclenchement du processus révolutionnaire en Syrie, en mars 2011, de nombreuses analyses ont été publiées sur le mouvement protestataire, l'État islamique ou encore le régime de Bachar al-Assad. En revanche, la décennie précédant le soulèvement a été peu traitée. Or, on ne saurait comprendre la crise actuelle sans connaître les transformations sociales et politiques subies par le pays durant cette période.
Cet ouvrage est fondé sur un travail de terrain mené entre 2007 et 2010 dans des conditions d'enquête difficiles en raison de la surveillance, du contrôle social et de la censure imposés alors par le système autoritaire ba`thiste. En étudiant l'inscription des associations de bienfaisance dans le paysage sociopolitique syrien des années 2000, il interroge la redéfinition du rôle de l'État et l'ingénierie politique du régime sous Bachar al-Assad. Ce faisant il ne révèle pas seulement les pratiques de la bienfaisance et du monde associatif, il met aussi en lumière les relations État/société dans les contextes autoritaires, la conception de l'action publique dans les pays du Proche-Orient, ainsi que le binôme société civile/autoritarisme souvent dépeint à tort comme antagonique. Rompant avec les approches purement événementielles et spontanéistes, ce livre a pour ambition d'apporter un éclairage original sur la Syrie d'avant-guerre. -
Formant un État fédéral, grâce à la volonté de cheikh Zayed Ibn Sultan el Nahyan, les Émirats arabes unis ont réussi à acquérir rapidement une place de poids et de choix dans le Golfe arabe et dans la géopolitique régionale. Fermement engagé contre la menace des groupes politico-religieux extrémistes, ce pays stable et prospère, à la pointe des nouvelles technologies, est devenu une puissance dans une région du monde qui reste un centre névralgique et stratégique de stabilité internationale.
Une réflexion prospective sur le rôle de ce pays dans le nouvel équilibre du monde est à ce titre nécessaire. C'est l'objet de cet ouvrage. Il s'agit de présenter ici d'une manière objective et complète les principaux aspects de la géopolitique des Émirats arabes unis à travers son histoire, ses institutions, sa société, son action contre l'extrémisme religieux, son développement économique, sa politique étrangère, ses enjeux régionaux, et les questions de défense et de sécurité. -
Gouverner par la proximité ; une sociologie politique de quartier en Turquie
Elise Massicard
- Karthala
- 3 Novembre 2019
- 9782811126056
Les maires de quartier, figures d'intermédiation administrative et politique, offrent une perspective originale sur les dynamiques de pouvoir à l'oeuvre en Turquie. L'État turc, réputé fort et volontariste, est en réalité aux prises avec de multiples logiques sociales avec lesquelles il doit composer. Les problématiques de la modernisation et de la bureaucratisation, qui fournissent souvent le fil conducteur de l'histoire contemporaine du pays, s'en trouvent relativisées. En outre, la rationalisation croissante des pratiques de gouvernement - comme l'usage de bases de données - s'articule avec d'autres formes de domination, moins formelles et plus personnelles, qui ouvrent la porte à des négociations voire à des contournements auxquels les citoyens, aussi modestes soient-ils, recourent massivement.
Fondée sur une longue expérience de terrain et une riche enquête quasi ethnographique, cette analyse de l'État «par le bas», au niveau local et au quotidien, éclaire d'un jour nouveau la centralisation de l'exercice du pouvoir et la politisation intense de la société qui ont caractérisé l'évolution de la Turquie ces dernières années. Elle renouvelle la compréhension des situations autoritaires et des relations État-société bien au-delà du cas qu'elle considère. -
L'Egypte de Moubarak à Sissi ; luttes de pouvoir et recompositions politiques
Baudouin Long
- Karthala
- 12 Novembre 2018
- 9782811125615
Le soulèvement révolutionnaire de 2011 n'a pas abouti aux changements espérés par ses protagonistes. Toutefois, il a provoqué une rupture fondamentale et a constitué un moment clef de l'histoire contemporaine de l'Égypte.
La transition qui s'est ouverte après la révolution du 25 janvier s'est en effet rapidement muée en lutte de pouvoir entre différents acteurs : révolutionnaires, militaires, Frères musulmans, libéraux, salafistes, juges, policiers, coptes... De janvier 2011 à juillet 2013, l'Égypte a vécu une période d'effervescence politique marquée par des débats intenses et d'âpres rivalités pour la redéfinition des modalités d'exercice du pouvoir.
Cette période se caractérise par des problématiques spécifiques de politique intérieure et extérieure, nées ou réapparues à la faveur de la révolution, qui sont autant d'enjeux pour les acteurs prétendant exercer leur influence sur la construction d'une Égypte nouvelle.
Cet ouvrage propose une analyse des luttes et dynamiques inhérentes à la révolution et à la transition, en étudiant le rôle des divers acteurs politiques, les enjeux qui ont régi leurs interactions et il montre in fine comment et pourquoi le processus révolutionnaire, après avoir permis l'accession au pouvoir des Frères musulmans, a abouti à une reconfiguration autoritaire en Égypte.
En analysant la transition enclenchée par la révolution et les recompositions qu'elle a produites, ce livre apporte un éclairage indispensable à la compréhension des grands problèmes politiques, économiques et sociaux de l'Égypte d'aujourd'hui et de demain.