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Au bout de la jetée : la fin du voyage, le domaine que j'aurais voulu sans partage, de l'eau, des bêtes marines, des oiseaux et de la sauvagine. Sur cette frontière, un cyclope, le phare des Onglous, veille de son oeil rouge le Canal du Midi et mon étang de Thau. Au loin, la colline de Sète allume ses milliers de lanternes et les vagues se brisent à nos pieds sur les rochers. Du haut de mes vingt ans, me voilà chef de bande : à ma gauche Aristide, le géant simplet, qui m'est tombé dans les bras comme un grand gamin quand le vieux Manuel s'est pendu ; à ma droite, Malika, notre lionne boiteuse, notre amoureuse, arrivée sans crier gare et chamboulant notre fragile équilibre. Ça sonne paisible, mais dans la nuit habitée de la lagune, autour de notre cabane de bric et de broc, un monstre rôde et des gamines s'évaporent dans la nature... Retrouvez Mô dans le deuxième tome de cette saga à la croisée du polar et du fantastique : adieu l'enfance adieu les vignes, voici venu le temps de la plongée et de l'aventure, du doute et de l'obscurité... Rendez-vous sur http://lasagademo.publie.net !
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Un savant, Noël Dorgeroux crée le « rayon B », son neveu Victorien Beaugrand est l'un des premiers témoins des prodiges de ce rayon: sur un mur sont projetés des images comme cinématographiques mais... venues du passé ! Noël Dorgeroux compte devenir riche en utilisant son invention : quel plus beau spectacle que celui de l'histoire, de la vraie Histoire, restituée par un moyen scientifique difficile à comprendre? Revivre l'exécution de Miss Cavell, espionne de la Première Guerre Mondiale, assister à la bataille de Trafalgar, être témoin de la première ascension des Montgolfier à Annonay, observer la montée à l'échafaud de Louis XVI, voir un combat aérien de la Grande Guerre, ou encore suivre le chemin de croix de Jesus Christ : que de merveilles à dévoiler, quelle histoire vivante à découvrir ! Le succès est immédiat mais bientôt Noël Dorgeroux est assassiné et c'est la lutte pour connaître son secret. Tenu en haleine, le lecteur ne la découvre, bien plus extraordinaire encore que ces « trois formes inexplicables », ces « trois cercles triangulaires », ces « formes qui diffèr[ent] toutes les unes des autres » et qui « diffèr[ent] d'elles-mêmes en l'espace d'une seconde » vus par les témoins de ces projections... Maurice Leblanc en quittant pour un temps l'univers lupinien nous entraîne dans le domaine de ce merveilleux scientifique théorisé par un autre Maurice, Maurice Renard: « Il n'y a de merveille que dans le mystère, dans l'inexpliqué. Tout prodige cesse d'en être un aussitôt que nous pénétrons ses causes réelles et sa véritable nature, dès qu'il passe du ressort de l'ignorance ou de celui du doute dans celui de la science. » Car derrière l'étrange se cache la science et l'écran sur lequel apparaissent les Trois Yeux est l'image même de ce merveilleux scientifique qui « brise notre habitude et nous transporte sur d'autres points de vue, hors de nous-mêmes.» Philippe Ethuin, extrait de la présentation.
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Avoir pour père un homme de la stature de Jules Verne et porter sur ses épaules le statut d'unique héritier du grand écrivain n'est sans doute pas chose facile.
Michel Verne naît en 1861 et connaît une jeunesse tumultueuse qui conduit son père à recourir à l'« incarcération par voie de correction paternelle » en 1875. Michel est embarqué à bord d'un navire et va jusqu'aux Indes, emmenant avec lui les oeuvres de Jules Verne. De rébellion en frasques, d'inquiétudes en scandales, les rapports entre père et fils sont parfois orageux. Pourtant à la fin de sa vie l'écrivain confie à Michel Verne des travaux littéraires constatant les talents de son fils mais lui reprochant son manque de ténacité. Il l'accompagne dans ses tentatives d'écriture.
Certains textes longtemps attribués à Jules Verne - on ne reconnaissait à Michel que des remaniements - témoignent des qualités littéraires du fils. « L'Agence Thompson and Co, L'Éternel Adam et Au XXIX e siècle : la journée d'un journaliste américain en 2889 ont été écrits par Michel Verne, Jules Verne les ayant relus et corrigés avant parution. » affirme Jean-Paul Dekiss
Plusieurs romans achevés à la mort de Jules Verne sont - parfois profondément - réécrits par Michel Verne. L'Étonnante aventure de la mission Barsac est, quant à lui, rédigé par Michel d'après une quarantaine de pages laissées par son père. C'est enfin par le cinématographe que le fils poursuit l'oeuvre de Jules Verne en produisant plusieurs adaptations de ses romans pendant la première décennie du XX e siècle. Michel Verne meurt en 1925.
Zigzags à travers la science est une série de neuf articles publiés par Michel Jules Verne dans le supplément littéraire du Figaro en 1888. Le fils de Jules Verne y développe des fantaisies ou des anticipations relevant à la fois de la causerie scientifique et de la fiction et se rapportant à de multiples thèmes : les transports (un pont sur la Manche ou un express de l'avenir), les communications (la TSF), la médecine et les phénomènes humains (les anesthésiques ou la femme électrique), la guerre de demain (une tourelle rétractable), les animaux (de l'huître à la bécasse). Daniel Compère indique que tout ou partie de ces textes ont été écrits en collaboration entre Michel et Jules et que l'« on peut aussi penser que Michel Verne puise un certain nombre des sujets de ses textes dans les notes rassemblées par son père».
L'ensemble des Zigzags à travers la science n'a été édité qu'une seule fois par la Société Jules Verne en 1993. Seul « L'Express de l'avenir » échappe à l'oubli. Il était temps de rendre de nouveau disponibles ces textes.
Philippe Ethuin, extrait de la présentation. -
C'est une façon de la mémoire : on remonte à soi des morceaux de scènes où l'on se voit jouer, rire à l'objectif, adossé à une barrière ou l'air absent, regardant vaguement au-dedans de soi dans un costume étriqué à la manière du Gilles de Watteau.
Les souvenirs ne sont pas des scènes enregistrées subjectivement par la caméra de nos yeux, mais des images que celui que nous sommes aujourd'hui observe par-dessus l'épaule de celui qu'il était autrefois et qu'il a perdu. Nous sentons bien qu'ici un certain retournement nous regarde. Des paysages, des visages saisis dans leur silence et pourtant comme au bord de se dire. Le deuil que l'on fait de soi-même à chaque instant. Ou plutôt que l'on ne parvient pas à faire, revenant toujours trop tard sur ce mouvement intime qui nous échappe. C'est ce qui hante nos figures.
Pareil silence obscur règne sur nos souvenirs. On ne sait jamais tout à fait de quelle fabrique ils sont issus, ce qu'ils écrivent. Ils lèvent à nos regards des armées de personnages comme chaque jour se lève devant nos yeux l'étrangeté de notre nouveau visage.
Naturellement, le texte par lequel Léa Bismuth accompagne ces figures anonymes d'acteurs de l'histoire s'accorde aux mouvements du temps, aux confessions que l'on fait aux journaux intimes ou aux lettres quand ceux-ci mélangent ce que l'on se dit à soi-même et ce que l'on confie à d'autres. Écrivant, elle s'en remet à cette fragilité, avouant des larmes, des rires, le blanc des neiges, la solitude. Elle se demande alors ce que rejoignent en elle ces figures peintes, cette petite fille bandée qui interrompt son jeu, « immobilisée dans une chorégraphie muette ». Et c'est en lisant Proust qu'elle retrouve l'ambiguïté de ces images dont on ne sait si elles émergent de la mémoire ou de rêves. « Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables que celles que l'imagination avait formées et la réalité détruites. »
Ponctué de ces extraits de La Recherche, le texte de Léa Bismuth adopte la forme des vertiges de l'introspection, cheminant au bord des cavités abruptes de la mémoire.
Ce que ces fillettes, ces fratries, ces silhouettes anonymes disent pour soi c'est la perte ; comment une part de nous s'engouffre dans les abîmes du temps et comment cette part justement réclame qu'on la rêve.
Jérémy LIRON -
Les cavités de notre planète sont fort peuplées même si le commun des Terriens l'ignore. Les hommes ont imaginé des terres creuses, des mondes cachés sous nos pieds, des civilisations ayant survécu dans les entrailles de la Terre.
Dans leur monumental essai Les Terres creuses, Guy Costes et Joseph Altairac recensent plus de 2200 textes pour constituer une « bibliographie géo-anthropologique commentée des mondes souterrains imaginaires et des récits spéléologiques conjecturaux ». Plusieurs thèmes peuvent en être dégagés : le récit préhistorique, l'utopie - qui trouve sous terre une nouvelle localisation -, la grotte merveilleuse, le monde intérieur, le tunnel fantastique et/ou extrapolé, la race souterraine, le monde perdu, etc.
Si l'on en croit les romanciers, sous la Terre ont survécu diverses civilisations que l'on croyait disparues : André Armandy présente une civilisation maya dégénérée dans Le Démon bleu (Miss Démon) et Jean Bonnéry une survivance inca (Les Prisonniers de la Montana) en 1925, Maurice Schneider et M.C Poinsot nous racontent la fin de la cité babylonienne cachée dans Sémiramis, reine de Babylone (1926), Albert Bonneau imagine des cavités peuplées de descendants des Égyptiens (La Cité sans soleil, 1927), etc.
Une Ville souterraine, histoire merveilleuse de Charles Carpentier relève de ce que les anglo-saxons nomment les « Lost Race Novel ». En Normandie, à proximité d'Avranches, le héros ne trouve rien de moins qu'une ville en tout point semblable à la Rome impériale survivant depuis l'antiquité.
Une Ville souterraine. Histoire merveilleuse
Pour le cas qui intéresse, c'est à dire la survivance d'une civilisation romaine, le roman de Charles Carpentier fait partie des premiers traitant du thème. Dans le domaine anglo-saxon, on peut citer The Foutain of Arethusa de Robert Eyres Landor (1848),Tarzan and the lost Empire d'Edgar Rice Burroughs (1929) ou The Enchanteress de Cecil H. Bullivant (1932).
En France, Charles Carpentier sera notamment suivi par Camille Audigier dans La Révolte des volcans (1935) qui place sa survivance romaine en Auvergne.
Une Ville souterraine nous entraîne sous le plateau du Châtellier dans l'arrondissement d'Avranches (Manche) sur les pas du narrateur (qui partage nombre de centres d'intérêt avec l'auteur). Le lieu est celui d'une bataille qui opposa le Gaulois Viridovix, chef des Unelles, et son armée à Sabinus pendant la conquête de la Gaule par les Romains. Des légendes locales mentionnent l'apparition d'une fée vêtue à l'antique et de soldats casqués et solidement armés comme les anciennes troupes romaines. Le narrateur décide de les surprendre... et c'est lui qui va être surpris de découvrir la merveilleuse ville souterraine, ses habitants, leurs habitudes et leur vie quotidienne mais aussi les intrigues politiques ou les risques à vouloir introduire de nouveaux concepts et techniques dans une société figée depuis près de deux mille ans.
Le projet de Charles Carpentier n'est pas seulement de distraire le lecteur avec une bonne intrigue. Dans sa préface, il indique : « On entre dans la ville souterraine avec effroi ; on s'y engage avec curiosité ; on la parcourt avec étonnement ; et on regrette de ne pas la connaître davantage, avant de la quitter. Il semble qu'on ne devrait jamais écrire un livre sans chercher à instruire en amusant ; mais il ne serait peut-être pas trop téméraire de mettre cette épigraphe sur la couverture de celui-ci : ICI ON S'AMUSE, ET ON S'INSTRUIT ! ».
Philippe Éthuin
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Longtemps mésestimée, l'écriture vernienne a été depuis une vingtaine d'années réévaluée. Ce qui apparaissait comme un ensemble de romans pour la jeunesse au charme suranné dans lequel la psychologie des personnages est sommaire, révèle désormais toute la puissance et l'efficacité de l'écriture de Jules Verne. Cela n'est pourtant qu'une redécouverte : en 1905, André Laurie, dans l'article reproduit dans ce livre, regrettait déjà que les institutions de légitimation culturelle se refusaient « à voir que l'oeuvre de Jules Verne est la plus puissante et la plus féconde du siècle, précisément parce qu'elle en est l'expression. Elle l'a prouvé, pourtant, en touchant simultanément, comme un Verbe nouveau, tous les cerveaux contemporains. Et quel poète, quel philosophe, quel demi-dieu en a jamais fait autant ? » Dans Jules Verne, écrivain, Daniel Compère a montré toute la richesse de l'écriture vernienne entre intertextualité, réappropriation et « ludotextualité ». Si l'aéronef de Robur le conquérant a pour nom l'Albatros, le poème de Charles Baudelaire n'y est pas étranger... et Jules Verne a exprimé sa dette à Edgar Poe. On pourrait relever toutes les allusions aux écrivains que contiennent les oeuvres verniennes, la place nous manque ici mais indiquons que l'on y croise Edgar Poe, Walter Scott, Fenimore Cooper, Alexandre Dumas père et fils, Pascal, Xavier de Maistre, Homère, Victor Hugo, Hoffmann,... et que dans la bibliothèque du Capitaine Nemo l'on trouve : « les chefs-d'oeuvre des maîtres anciens et modernes, c'est-à-dire tout ce que l'humanité a produit de plus beau dans l'histoire, la poésie, le roman et la science, depuis Homère jusqu'à Victor Hugo, depuis Xénophon jusqu'à Michelet, depuis Rabelais jusqu'à madame Sand. Mais la science, plus particulièrement, faisait les frais de cette bibliothèque ; les livres de mécanique, de balistique, d'hydrographie, de météorologie, de géographie, de géologie, etc., y tenaient une place non moins importante que les ouvrages d'histoire naturelle, et je compris qu'ils formaient la principale étude du capitaine. Je vis là tout le Humboldt, tout l'Arago, les travaux de Foucault, d'Henry Sainte-Claire Deville, de Chasles, de Milne-Edwards, de Quatrefages, de Tyndall, de Faraday, de Berthelot, de l'abbé Secchi, de Petermann, du commandant Maury, d'Agassis, etc. Les mémoires de l'Académie des sciences, les bulletins des diverses sociétés de géographie, etc. » Nous avons voulu à notre tour jouer avec les mots de Verne en utilisant la contrainte de la variante de l'haïkisation. Chaque « haïku » de Jules Verne présenté ici reprend les premiers et les derniers mots des textes des Voyages extraordinaires et de quelques autres romans. Accompagné d'une iconographie tout aussi extraordinaire, le jeu se veut une invitation à retrouver Jules Verne, et de quel roman proviennent les extraits (un guide de lecture est proposé en fin de volume), pour se laisser porter par la puissance du rêve. Philippe Ethuin
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« Le Raccommodeur de cervelles » nous présente un « chirurgien supernaturel » capable d'opérer le cerveau et de modifier le caractère du patient. Mais on ne change pas la nature de l'être humain sans risque et la femme qui se plaint de la trop forte tendance au libertinage de son mari déchante quand celui-ci ne peut plus la rendre heureuse.
« L'Omnibus aérien » narre le premier voyage d'un couple de bourgeois compagnon de hasard d'une paire de vauriens de la ligne entre la place de la Concorde et la grille du Bois de Boulogne. La description du voyage sert de prétexte à une découverte de Paris par les airs et à se moquer des travers parisiens.
« Encore la fin du monde ! » nous invite à imaginer l'avenir des lettres pour les cinq ou dix prochains millions d'années, rien de moins. Mais tout n'est-il pas qu'un éternel recommencement ?
« Le Journal du dernier Robinson » est la quête de la solitude dans un monde de l'avenir entièrement colonisé par l'Homme. La quête de l'état sauvage, dans une société totalement civilisée et pour une bonne part urbanisée, devient vaine et désespérante. Tristes tropiques ...
« Le Déluge à Paris » montre tout d'abord un Paris disparaissant sous les eaux en l'an 4859 avant d'être redécouvert 3000 ans plus tard par des archéologues qui se perdent en hypothèses parfaitement farfelues pour qui connaît le Paris antédiluvien.
Enfin est adjoint un portrait de l'un de ses contemporains : Jules Verne ... Pierre Véron (1831-1900) s'intéresse à l'avenir et à la science comme nombre de ses contemporains mais reste dans le domaine de l'humour et de la satire parfois grinçante. Et quel étonnement ces nouvelles très brèves, conçues pour la presse...
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De Gustave Marx nous ne connaissons que quelques autres oeuvres parues sous le nom de A. Vémar comme La Grammaire de l'amour, à l'usage des gens du monde et du demi-monde, (éditions Taride, vers 1859), Le Dictionnaire de l'amour à l'usage des gens du monde (éditions Taride, 1876) recueil de chroniques initialement parues dans Le Parisien, et donc Les Misérables pour rire. Nul autre texte que L'amour en mille ans d'ici ne semble être conjectural. Poursuivons un peu notre enquête bibliographique pour trouver une indication au bas du poème « Prussiens... vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine!1 » donne Nancy pour lieu de résidence et L'Amour en mille ans d'ici met en scène le village alsacien fictif d'Iffendorf dont le nom ressemble fort à Offendorf, commune aujourd'hui située dans le département du Bas-Rhin : Gustave Marx semble donc être natif de l'est de la France. Depuis Sébastien Mercier et son anticipation utopique L'An 2440, rêve s'il en fut jamais, publiée en 1771, les utopies placées dans l'avenir et accessibles par le rêve ont été nombreuses. Dans L'Amour en mille ans d'ici, publié uniquement en période en 1889 selon l'état actuel de nos connaissances2, G. Marx, propose une de ces anticipations utopiques dont l'originalité est d'être basée sur la Cabale. L'auteur nous montre une société profondément transformée. L'origine de ce changement est scientifique: le Français Dumont Dartois met au point en 1954 des ailes individuelles abolissant les distances sur Terre puis bientôt à travers le système solaire. D'autres progrès apparaissent comme L'Eau pétrifiante permettant l'érection aisée de bâtiments et tout élément de pierre faisant de la Terre un monde de propriétaires duquel la jalousie et l'envie sont bannies. Peu à peu, tous les biens sont devenus gratuits dans une société où l'argent est inconnu comme dans l'Eldorado voltairien, l'instruction est universelle (et facilement acquise en quelques heures)...
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Albert Robida (1848-1926) avait tous les talents : dessinateur, caricaturiste, directeur de revues, écrivain. Son oeuvre visuelle est célèbre et l'on retrouve régulièrement ses anticipations en images extraites de Le Vingtième siècle, La Vie électrique ou La Guerre au vingtième siècle. Son oeuvre littéraire teintée d'humour est moins connue. Il dessine pourtant, comme avec le crayon, des innovations qui ont la particularité d'être entrées pleinement dans la vie des personnages. Si Jules Verne extrapole, Albert Robida invente véritablement et imagine un futur qui s'est en grande partie réalisé : téléphonoscope, tube pneumatique, guerre scientifique et meurtrière, omniprésence de l'électricité, émancipation de la femme.
Dans « Inoculation du parfait bonheur », il nous raconte l'invention de la « féliciologie », autrement dit la science du bonheur ! Car la science ne peut avoir qu'un but : le bonheur de l'espèce humaine. Mais peut-être n'est-ce qu'un rêve que peut seulement nous apporter la fantaisie d'Albert Robida...
Philippe Éthuin -
L'oeuvre d'Albert Robida est immense : caricaturiste, dessinateur, illustrateur, journaliste et romancier, il cumule tous les talents et laisse 60 ouvrages, 200 livres illustrés, des centaines d'articles et plus de 60000 dessins.
Dans le domaine de l'anticipation sa trilogie sur le XXe siècle le place, bien plus que Jules Verne, comme un visionnaire. Il décrit des inventions passées dans la vie quotidienne, et pas seulement telles des merveilles extraordinaires et largement uniques comme on les trouve chez Jules Verne. Le Vingtième siècle (1883), La Guerre au Vingtième siècle (1887) et Le Vingtième siècle. La vie électrique (1890) sont des romans illustrés par l'auteur étonnamment modernes par les thèmes traités : la communication, les transports, l'urbanisation, l'émancipation des femmes, la guerre totale mécanisée et biologique, la pharmacie, la pollution...
Voyage à travers le temps
Les débuts de Robida dans le domaine de l'anticipation datent de l'Exposition universelle de 1867 (avec un dessin consacré à la machine) et c'est celle de 1889 (dont l'un des clous est la Tour Eiffel) qui inspire Jadis chez aujourd'hui. Ce n'est sans doute pas son oeuvre se rattachant à la science-fiction la plus connue, pourtant elle traite avec originalité du thème du voyage temporel. Il ne s'agit pas de faire voyager des contemporains sur l'axe du temps mais de faire venir le passé à notre époque.
L'argument est simple : le savant Célestin Marjolet annonce une attraction extraordinaire : faire revivre le passé et malgré le scepticisme de ses amis et des autorités, il parvient à amener Louis XIV et sa cour à l'Exposition universelle. Toute la saveur du texte repose sur le regard porté par le Roi-Soleil et ses courtisans face aux innovations scientifiques, architecturales et techniques de l'époque.
Pour la première fois sont réunies en un seul volume les deux versions de Jadis chez aujourd'hui d'Albert Robida. La première version est publiée en feuilleton en mai-juin 1890 dans Le Petit français illustré. Cette publication pour la jeunesse est lancée par l'éditeur Armand Colin en 1889 avec le sous-titre Le journal des écoliers et des écolières. Aux côtés d'Albert Robida on trouve notamment Christophe qui publie Le Sapeur Camenber, La Famille Fenouillard ou le Savant Cosinus, et Henriot auteur et dessinateur en 1910 de Paris en l'an 3000.
La seconde version paraît en volume en 1892 dans la collection Bibliothèque du Petit français (éditions Armand Colin) accompagné de deux autres courts romans d'Albert Robida : Kerbiniou le très madré et Voyage au pays des saucisses.
La confrontation des deux versions permet de relever certaines différences qui sont loin d'être anodines. Bien sûr le temps de l'Exposition universelle s'éloignant, Albert Robida réactualise le texte en gommant des références à 1889. Ramenant le texte de huit à six chapitres, il concentre la narration sur le décalage entre l'époque contemporaine, que le savant Célestin Marjolet souhaite tuer, et le regard que le passé livre sur le présent bousculant l'ordre habituel des choses qui veut - c'est le cas de l'Histoire - que le présent juge le passé et non l'inverse. La première version se termine par une pirouette narrative très souvent utilisée dans la première moitié du XIXe siècle par les auteurs d'anticipation : tout ceci n'était qu'un rêve comme dans Inoculation du parfait bonheur (1884). La seconde version se clôt par la disparition de la Cour emportée dans les airs à bord d'un ballon suivie de ces mots « Prodigieux événement ! incroyable aventure ! ». C'est un changement de paradigme : la fiction n'est plus disqualifiée par le rêve qui la renvoie dans le domaine onirique mais elle devient acceptable, faisant entrer Jadis chez aujourd'huidans la science-fiction.
Philippe Éthuin -
Texte présenté, édité et commenté par Vincent Haegele
Un voyage extraordinaire, car c'est bien de cela qu'il s'agit : trente ans avant Jules Verne, Pierre-Marie Desmarest imagine l'épopée d'un jeune Français, prénommé Isidore, dont le projet s'inscrit plus dans la rêverie métaphysique d'un Cyrano de Bergerac découvrant la Lune que dans les grandes expéditions scientifiques décidées et financées par les États.
1815 : mis à la retraite forcée, Pierre-Marie Desmarest, ancien chef de la police politique de Napoléon Ier tue le temps à Compiègne en écrivant. Son regard de policier exercé le pousse à imaginer ce que sera la civilisation de demain, la nôtre, qu'il place dans une contrée au coeur de l'Afrique, préfigurant sans le savoir le célèbre comics Black Panther. Ainsi naît L'Empire savant, une oeuvre surprenante et protéiforme, dont les degrés de lecture sont innombrables. Sans aucun équivalent pour son temps, classique dans son architecture, ce roman se révèle d'un grand modernisme, oscillant entre science-fiction visionnaire et satire sociale et politique. Desmarest surprend son lecteur par l'étendue de ses connaissances, la fraîcheur de ses remarques et la naïveté feinte de son propos, tout en poursuivant son but et son questionnement : le progrès fait-il le bonheur ? Et comment le pouvoir l'utilise-t-il ? -
Le soleil bleu s'était déjà perdu derrière les montagnes du couchant. Le soleil rouge penche aussi vers ce point, tombeau de toutes les lumières des cieux. Pour cette terre, pour ces lieux toujours ruisselants de clarté, c'était presque la nuit, mais la nuit douce, tropicale et chatoyante. Si vous levez les yeux au ciel, peut-être apercevrez-vous du côté de la constellation de Cassiopée, un étrange scintillement... la planète Star... Voici le premier véritable space opera, tombé dans l'oubli et redécouvert par Raymond Queneau, un livre total qui présente l'ensemble de l'univers starien : son système stellaire, sa faune et sa flore, ses satellites, son histoire ancienne et celle de ses civilisations, ravagées par une forme de peste et par des égorgeurs fanatiques. Grâce à l'invention de l'abare, un vaisseau spatial, et sous la conduite de Ramzuel, les Stariens quittent alors la planète mère pour ses satellites. De leur exploration naît la recolonisation de Star menée par les Néo-Stariens et le voyage d'un Tassulien (habitant de l'un des satellites de Star) dans la ville de Tasbar. Le tout est entrecoupé de pièces de la littérature starienne qui forment un ensemble poétique et théâtral extraterrestre inédit. L'histoire d'une planète sur laquelle brillent quatre soleils, de ses cinq satellites et de leurs habitants, de vaisseaux voyageant entre ces astres, de civilisations qui naissent, se développent, meurent, renaissent, fondant une fédération interplanétaire et créant une culture et une littérature extra-terrestres. Star ou de Cassiopée est une oeuvre étrange, poétique et protéiforme, un voyage onirique vers un monde lointain.
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Aventures extraordinaires de Trinitus
- rédigées d'après le journal de bord de
L'É
cLair
L'Éclair reprit sa marche, et s'enfonça dans l'abîme. La largeur du tunnel était considérable ; la lampe du bateau, éclairant la masse liquide qui remplissait le gouffre, ne jetait sur ses parois qu'une vague lueur. On y distinguait pourtant quelques actinies et des poulpes, fixés aux aspérités de la pierre. Sur les bas-fonds rampaient des oursins et des crabes ; dans les sombres retraites de la voûte se remuaient confusément des êtres indéfinissables.
Aristide Roger est l'immédiat prédécesseur de Jules Verne. Avec son Voyage sous les flots, il nous entraîne dans des aventures sous-marines à travers le globe, de Calais à la mer des Sargasses, de l'Équateur à l'Antarctique, de l'océan indien à l'Océanie. Il est aussi le premier à utiliser le sous-marin comme un véhicule de l'imaginaire. Son Éclair n'est-il pas, d'ailleurs, le véritable héros de ce classique oublié de la science-fiction française ? -
Auteur en 1888 de Dans cent ans ou l'an 2000 qui connut un succès mondial et de multiples éditions en France à partir de 1891, Edward Bellamy propose une suite de ce classique de l'anticipation utopique avec Égalité (Equality). De ce second roman, seule « La parabole du réservoir d'eau » a largement été diffusée dans la presse libertaire et socialiste. Mais bien d'autres aspects du texte sont importants : Bellamy place les femmes à égalité avec les hommes (éducation, mariage, vie professionnelle, revenus, vêtements...), se positionne comme auteur précurseur de l'économie distributive (revenus annuels non capitalisables, propriété d'usage...), questionne la défense de l'environnement, la protection des animaux, l'impact des activités humaines sur la Terre, ainsi que l'unité de l'humanité (chaque habitant parle sa langue maternelle et la langue universelle). Il ne néglige pas non plus les progrès techniques et l'on voit apparaître l'électroscope, les disques phonographiques, les voitures à moteur et les véhicules aériens... Il invente également - il écrit ces lignes en 1897 - une « carte de crédit » qui permet aux citoyens du XXe siècle de régler toutes leurs dépenses.
Pour la première fois, ce texte majeur de la littérature d'anticipation utopique est disponible en français.
Traduction de Paul Zimmermann, revue, complétée et modernisée par Philippe Éthuin. -
Et si Baudelaire avait écrit un hymne aux algorithmes au lieu de son hymne à la beauté ? Et si Jean de La Fontaine avait connu Google, Facebook et Amazon, quelle fable aurait-il choisie pour raconter notre rapport à ces acteurs ? Et quelle morale en aurait-il tiré ? Et si Aragon avait été davantage fasciné par les « données » plutôt que par les Yeux d'Elsa ? Si, plutôt qu'un renard, c'est Google qui avait appris au Petit Prince le sens du mot apprivoiser ?
Anthologie critique réalisée en l'an 4097 pour nous aider à appréhender dès aujourd'hui l'évolution de notre rapport au monde... connecté.
Préface de Lionel Maurel. -
Hors de Paris pas d'avenir ?
Futurs de province vous offre quatorze preuves du contraire. Se projetant dans l'avenir, cinquante ans en avant pour les plus ti- mides, mille ans pour les plus audacieux, ces textes rassemblés pour la première fois nous parlent d'urbanisme, d'économie, de démographie, d'industrie, de sport... Ils nous font entrer dans l'imaginaire de défricheurs provinciaux de l'avenir, par- fois célèbres tel Jules Verne, souvent oubliés pour les autres.
Pour Amiens, Flers, Grenoble, Lyon, Marseille, Nantes, Poitiers, Rouen, Tarbes, Toulouse, Vienne - petites et grandes capitales régionales - c'est le rêve d'un futur radieux loin de la métropole parisienne.
La province, doux lieu de l'utopie !
À découvrir également : Paris Futurs ! -
Le nom de Paschal Grousset (1844-1909), qui signait ses oeuvres des pseudonymes d'André Laurie, Tiburce Moray et Philippe Daryl est sans doute un peu oublié aujourd'hui. Son rôle politique, intellectuel et littéraire à la fin du XIXe siècle fut pourtant de quelque importance. Participant à la Commune de Paris (1871), il est condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie dont il s'échappe pour vivre en exil en Australie puis en Angleterre jusqu'à l'amnistie de 1880.
André Laurie est un auteur essentiel dans la constitution du genre « science-fiction » comme l'a encore récemment montré Daniel Compère. Il extrapole différents moyens de transports comme le tube transocéanique dans De New-York à Brest en sept heures (1888), met en scène des civilisations survivantes dans des Lost race novels (histoires de mondes perdus) dans Le Secret du mage (1889) ou L'Obus invisible (1905), découvre une ville sous-marine atlante (Atlantis, 1895) et nous livre l'histoire de Spiridon le muet (1906-1907) dans laquelle une fourmi géante représente une forme de vie non humaine douée de raison et d'intelligence.
André Laurie est aussi un homme de son temps, fortement marqué par l'idéologie colonialiste : la première partie des Exilés de la Terre »annonce L'Invasion noire de Danrit par la description du fanatisme musulman qui se prépare à submerger le monde des infidèles. Laurie enchâsse en effet son aventure fictive dans l'histoire politique du Soudan soulevé par le Mahdi Muhammad Ahmad ibn 'Abd Allah. L'aventure s'ouvre en février 1884 avec la nomination du général Charles Gordon au poste de gouverneur général du Soudan, se déroule durant la résistance de Khartoum placée sous ses ordres et s'achève en janvier 1885 au moment où Paris apprend la chute de la ville et la mort de Gordon... Les mots employés tant par les personnages que par le narrateur illustrent ce parti pris et les craintes occidentales de l'époque.
En citant en exergue « Cyrano, Swift, Edgar Poe, Jules Verne et beaucoup d'autres », André Laurie se place dans une filiation. Savinien de Cyrano de Bergerac écrit vers 1650 Histoire comique des États et Empires de la Lune (publié de manière posthume en 1657, deux après la mort de l'auteur). Il y narre ses aventures, son départ de la Terre en machine à fusée et sa découverte des Sélénites qui vivent au Paradis. Jonathan Swift présente dans Les Voyages de Gulliver (1726) l'île volante de Laputa dont les habitants sont férus de mathématique, de physique et d'astronomie. L'Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaal (1835) d'Edgar Poe est la relation du voyage en ballon du citoyen de Rotterdam Hans Pfaal vers la Lune. Enfin est-il nécessaire de présenter De la Terre à la Lune (1865) et sa suite Autour de la Lune (1869) de Jules Verne dans lesquels les intrépides capitaines Nicholl, Impey Barbicane et Michel Ardan partent vers notre satellite à bord d'un confortable obus.
André Laurie sera suivi par de nombreux autres auteurs propulsant avec les moyens les plus fantaisistes ou les plus scientifiquement rigoureux leurs personnages à travers l'espace.
(Ouvrage agrémenté de plus de 70 illustrations de George Roux présentes dans l'édition originale de 1887, librairie Hachette, collection Hetzel.)